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Jours d’enfance (3e épisode)

Le mardi 1er janvier 2002, par Josiane Laurençon-Kuprys

Du plus loin que remontent mes souvenirs et grâce, il faut bien le dire, aux albums de photos jaunies, je revois la petite fille que j’étais. Mes cheveux, d’un blond doré, étaient coupés court. J’avais également hérité d’un petit nez jappant à la lune et d’une paire d’yeux rieurs, en amande, noisette, et un tantinet coquins.

Maman aimait le rouge. J’étais donc, toujours habillée comme le célèbre chaperon de la même couleur ou alors avec de jolis ensembles très colorés, de la marque " Carabi " qui habillait les enfants des années après guerre.

La mode de l’époque était aux petites jupes tablier de style tyrolien avec de grandes poches sur le devant et une bavette retenue par de larges brides, sur le haut. Le tout était égayé de jolis croquets et autres motifs fleuris, brodés. C’était rustique et très folklo, mais au moins c’était gai et on ne risquait pas de se perdre dans la foule.

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Josy et Polo place Bellecour à Lyon

Loin d’être jolie, j’étais assez drôle à regarder, selon ce que Maman m’a toujours dit et d’ailleurs cet autoportrait me semble plutôt réussi, non ?

En 1947, j’étais la fille unique et choyée de Papa et Maman. Tante " Maléo ", sœur de Papa, avait été gratifiée du titre de marraine de ma petite personne. Elle était elle-même mère de deux garçons, Henri et Jacky, qui étaient mes aînés de huit ou neuf ans.

Henri, l’aîné, m’ignorant quasiment, ne me laissa pas un souvenir impérissable. En revanche, Jacky aimait s’occuper de sa petite cousine, ce qui suscita chez moi, une véritable adoration pour cet affreux "Jojo", dont les boucles dorées et les yeux bleus lui donnait une allure d’angelot.

Mais d’ange, il n’en avait que l’apparence, car comme taquin on ne pouvait rêver mieux.

Tu viens, on va jouer ?
Oui Zaky !

Et en un rien de temps, je me retrouvais assise sur la table de la salle à manger de ma tante, sur laquelle "Zaky", ses mains solidement attachées à mes pieds, me faisait découvrir les joies du manège, version grand frisson assuré.

Je me mettais à rire en criant de plaisir et ma tante alertée, arrivait à grands pas pour faire cesser la partie, séance tenante.

Avec lui, je fis également la connaissance du 7éme art. Il possédait une lampe magique dans laquelle il mettait de petits films de Donald, Gouffy et autres personnages...

Il la faisait marcher manuellement et projetait ces images en couleurs sur le mur de sa chambre, dont nous fermions les rideaux avant la projection, ce qui ajoutait encore au mystère. J’étais en admiration...
Jacky était aussi très doué pour le dessin. Il le prouva plus tard en sortant ler de sa promotion aux Beaux-Arts.

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Josy et sa maman en deuil (1945)

Mais lorsque j’avais 4 ans et mon cousin 11, pendant cette époque bénie de l’enfance, je participais à ses premières armes, en lui servant de modèle.

Il me disait :

Prends la pose, ne bouge surtout pas, je vais faire ton portrait.

Je ne bougeais plus, n’osant aucun mouvement et bravant avec courage, l’éventuelle arrivée, d’une mouche curieuse de ma géographie nasale...
Jacky, crayon en main prenait l’air sérieux de l’artiste inspiré.
Il reculait de 3 ou 4 pas, mesurait bras tendu, fermait l’œil gauche puis commençait à donner de grands coups de fusain rapides et assurés.
Malheur à moi, si l’envie subite de me gratter ou de battre un cil me prenait !

Je me penchais, curieuse !

Fais voir ?

Mais l’artiste aux boucles en bataille me criait :

Ha ! Si c’est comme ça, j’arrête.

Alors, avec un profond soupir, inspiré de la plus belle expression du courant stoïque, je me figeais à nouveau telle une gravure. Et pendant la pause, je pensais que, si la rançon de la gloire était dure, ce serait quand même bien de me voir au milieu d’un joli cadre.
Enfin le moment si attendu arrivait :

Le voilà ton portrait !

Ravie, je courais vers lui, en oubliant les fourmis qui parcouraient mes jambes.

Mais d’un air triomphant, il brandissait son œuvre à bout de bras, au-dessus de sa tête, hors de portée de mes mains.

Horreur ! C’était une énorme tête de Mickey.

Il s’étouffait alors de rire et courait dans tout l’appartement en poussant des you, you de joie.

Moi, médusée, je restais là ne sachant s’il fallait rire ou pleurer.

Ce jour là, affreusement déçue, je me suis sentie humiliée, même du haut de mes 4 ans. 

*****

Les mois passaient, je grandissais, et chaque vacances me ramenaient dans ma "patrie". Revenir, c’était me régénérer dans un bain de jouvence, retrouver mes chères prairies, mes amies, mes cousins, et ma Claude.

Ha ! ma Claude ! Jolie petite fille aux yeux verts, au petit nez jappant à la lune, à la bouche bien ourlée, et au petit front bombé. C’était une gosse dégourdie, pleine d’intelligence, de gentillesse et de diablerie... Nous nous sommes aimées.

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Claude à 17 ans

Dès neuf ans, sa Maman l’inscrivit à des cours de théâtre et de diction. Quant à moi j’étais déjà à l’Opéra.

Nous chantions et nous mimions sur le parvis de la mairie en construction, les chansons du jeune Gilbert Bécaud. Nous clamions l’amour, comme si nous l’avions déjà vécu. Chaque été, nous montions des pièces qui, hélas, aboutissaient rarement.

La vie s’écoulait doucement à côté de ce personnage étonnant... Grand-père, de Maman, belle jeune femme brune, et douce, à l’allure fine et élancée, qui nous grondait très peu et de mon petit frère, né cinq ans après moi.

La maison natale de Grand-père était habitée par sa cousine germaine, Marie Boin, mariée à un beau jeune homme aussi brun qu’elle était blonde.
Il s’appelait Marcel Machot et de cette union sont nés deux garçons, Antoine et Henri, et deux filles, Suzon et Maguy. A cette dernière je suis restée très attachée car elle s’est beaucoup occupé de moi.

Comme on le dit en patois, nous allions "en champ la vache", dans le pré "aux Cornières" et c’est en gardant "la Papillon", belle vache aux couleurs crème, tachée de roux, qu’elle m’a appris à faire quelques mailles de tricot et des coquelicots au point de canevas.

Tout au long de l’été, nous ramassions les succulents fruits du verger.

Cela commençait par les cerises puis les pêches, les abricots, les poires et les pommes. On s’en faisait des ventrées alors même que Maman et Pépé se désolaient de mon manque d’appétit à table.

Maguy était mon aîné de dix ans, et il me semble, malgré mes zéros en calcul, que cela n’a toujours pas changé.

Mémé Machot nous appelait ses deux chèvres et cela nous allait très bien. Elle nous faisait souvent une grande casserole de riz éclaté dans le chocolat... hum ! Que c’était bon ! On mangeait goulûment à même la gamelle. Depuis, je n’en ai jamais retrouvé le goût...

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La famille Machot

Guyte était une grande fille brune, dont les jolis cheveux ondulés, narguaient mes "baguettes de tambour". Elle parlait fort et riait pour un rien. On s’aimait bien toutes les deux. J’avais l’impression d’avoir trouvé une grande sœur qui me faisait partager ses jeux et ses premiers secrets.

C’est elle qui m’a appris à faire du vélo sur celui de Suzon. Comme j’étais trop petite je ne pouvais pas m’asseoir sur la selle, je pédalais donc en danseuse : "prédestinée probablement". Maguy courait à côté en tenant le porte-bagages. Jusqu’au jour où...

Guyte tu me tiens ?

J’entendais sa voix essoufflée.

Bien sûr que je te tiens.

Puis les pas de ma cousine se faisant plus lointain, je criais encore :

Tu es là ? Tu me tiens ?

Sa réponse, bien que positive, me semblait curieusement éloignée. Je me cramponnais de plus belle au guidon. La gorge sèche, je n’osais me retourner de peur de voir ce que, au fond, je savais déjà.

J’entendais :

Continue, regarde bien devant toi.

Je fixais la route comme hypnotisée, puis dans un sursaut de gaillardise, je retournais rapidement la tête pour découvrir, stupéfaite, avec une angoisse mêlée d’une grande fierté, combien j’étais loin d’elle.

Ça y est, ça y est, tu sais faire...

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2 Messages

  • Jours d’enfance (3e épisode) 18 février 2020 09:50, par Mike MORICE

    Salut,

    Pour comprendre ce "silence", il faut savoir que c’est moi qui ai publié les souvenirs de jeunesse de Josiane avec son accord (Josiane est ma cousine préférée).

    Mais depuis la date de cette publication, Josiane n’a rapidement plus eu d’accès à Internet et il était hors de question d’indiquer ici son n° de téléphone ...

    Elle vient de m’autoriser à indiquer son adresse postale pour celles (ceux) qui voudraient la joindre, ce qui lui ferait très grand plaisir ; donc voici :

    Mme J. KUPRYS
    55 ? PLACE DES Pins - lot St-Martin
    83570 CARCES, Var

    (elle est d’une santé acceptable pour ses 76 ans, ma cadette de 12 ans)

    Répondre à ce message

  • > Jours d’enfance 31 mai 2005 20:25, par Chrystelle Machot

    Mme Josiane Laurençon Kuprys,

    Mon nom est Chrystelle Machot (nées en 1965 dans la région de Lyon), Je vis aujourd’hui à Montréal de puis 1991. Premièrement je me demandais si vous aviez connaissance d’un monsieur Eugène Machot, mon père, décédé en Octobre 2003 (il avait lui-même 9 frères que je n’ai pas connus).

    Deuxièment, je me demandais si vous aviez entendu parler que la lignée familiale des Machot pouvait-être de descendance juive. Ici à Montréal des amis m’ont démontré qu’il y avait beaucoup de personnes portant le nom de Machot qui vivent en Amérique du Nord et notamment à New-York, et ils sont Juifs.

    Je souhaiterais beaucoup savoir ce qu’il en est à mon sujet et si vous pouviez m’aider à y voir plus clair je vous en serais reconnaissante.
    Merci d’avance,

    Chrystelle Machot
    cmachot chez yahoo.ca

    P.S. : Excusez-moi, je vous envoie ce message pour la deuxième, fautes d’ortographe en moins !!!

    Répondre à ce message

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